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Laudatio au studio GDS: un destin animé

Auteur

Antoine Lopez

Date

19 janvier 2024

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laudatio GDS

1. La rencontre

En 1975, avec le ciné-club universitaire de Clermont-Ferrand où est né le festival du court métrage, j’avais co-organisé une semaine consacrée au cinéma d’animation. Nous l’avions intitulée Les journées du petit Miquet et parmi les films programmés, il y avait un programme Cinémation du nom de la société de production créée par Manuel Otero. Vous vous en doutez, dans ce programme figuraient des films de nos compères ici présents, Claude, Daniel et Georges. Un peu plus tard, lors de la première édition du festival de Clermont, en 1979, nous re-programmons ces films anti-Disney, comme on disait alors, deux films de Claude, deux films de Daniel et trois de Georges. Puis en 1982, un hommage est fait au studio GDS dans le cadre d’un focus sur le court métrage suisse. En 1994 Georges sera jury chez nous et régulièrement on retrouvera en sélection des films de nos compères. Il ne s’agit pas de faire un inventaire exhaustif mais de se rendre compte qu’il y a une certaine appétence, voire une appétence certaine pour leurs films. Et ce qui est surtout formidable est que ce que je viens de dire pour Clermont est valable pour des dizaines et des dizaines d’autres festivals dans le monde.

2. GDS

Evidemment, comme beaucoup d’entre nous, la première fois que l’on découvre le sigle GDS, on se demande ce que cela veut dire. Alors, j’ai pu lire de nombreuses fois, depuis longtemps et encore aujourd’hui, ici même, dans les documents du festival de Soleure, que les lettres du sigle sont les initiales des noms de nos trois amis. J’avoue qu’un doute abyssal m’a saisi, car si je prends leurs noms cela fait SSL ou SLS ou LSS on est loin de GDS. Je me suis dit ensuite que ça devait être leurs prénoms, Claude, Daniel, Georges, mais ça fait CDG et c’était déjà pris par un aéroport parisien quoique, maintenant que j’y pense, Georges voulait être pilote de ligne. Non décidément, il y avait quelque chose qui clochait et de clochait à clochette, je me suis retrouvé, assez paradoxalement, chez Disney où j’ai trouvé une réponse chez nos amis les sept nains qui sont des personnages emblématiques du cinéma d’animation comme le sont nos amis. Parmi eux se trouvent Grumpy, Doc et Sleepy. Et oui je tenais là assurément la solution à l’énigme GDS. G pour Grumpy, D pour Doc et S pour Sleepy. En français Grincheux, Prof et Dormeur, et là tout devient lumineux quand on connaît nos amis. Je vous laisse le soin de voir qui est qui…

3. Travailleurs

Une fois cette vérité historique rétablie, vous devez sans doute vous dire que cette analogie avec les compagnons de Blanche Neige est peut-être un peu déplacée. En êtes-vous certains ? Que sont ces personnages ? Ce sont des travailleurs et des travailleurs acharnés sans jours de repos ni RTT (réduction du temps de travail). Ils partent dès le matin au boulot, travaillent à la mine jusqu’au soir avec ardeur, pelles et pioches pour extraire joyaux et diamants. Et rentrent chez eux après une dure journée de labeur. Claude, Daniel et Georges sont les mêmes, ce sont des travailleurs, ils vont aussi à la mine. Certes le chemin qui y mène n’a pas toujours été parsemé de pétales de rose, ils ont pu aussi y trouver des embûches, et pas seulement à Noël. Car faire le choix de l’animation, du court métrage, de l’indépendance, cela a un coût, celui de l’énergie physique, celui de l’énergie mentale, celui de l’énergie créatrice et, bien sûr, pas le moindre, celui de l’argent. Et, il faut le dire, qu’ils aient réussi à tenir tous ces engagements et à produire des œuvres brillantes jusqu’à aujourd’hui, c’est-à-dire depuis un demi-siècle, c’est de l’ordre du miraculeux. En un mot, un seul, un véritable conte de fée.

Pour ceux et celles qui seraient tentées d’approfondir ma pensée, je leur donne, au passage, quelques pistes :  les sept nains sont du genre masculin comme nos trois lascars, la mine des sept nains à mettre en parallèle avec les mines de crayon de nos trois dessinateurs, les sept nains chantent du matin au soir et l’importance de la musique dans les œuvres du studio…

3. Humanité

En même temps, quand je vous dis ça, je m’aperçois que mon raisonnement est un peu bancal. En effet, il y a quand même une chose qui les différencie : les nains de Disney ont tous un peu la grosse tête, ce qui n’est absolument pas le cas de nos amis de Carouge. Leur humilité a quelque chose de remarquable. J’ai connu des artistes de moins d’envergure ou de basses œuvres lever le menton plus haut que leur QI. La gentillesse et l’accessibilité de nos amis ont quelque chose de réconfortant. Leur talent force déjà le respect, leur humanité l’accentue. Pas de barrières, pas de snobisme, pas de chichis entre eux et nous. Une quasi vertu cardinale que je tenais à souligner.

4. Poésie

Je vous ai dit tout à l’heure que GDS avait 50 ans. La compagnie Disney elle, fondée en 1923, en a 100. Leur premier long métrage Blanche Neige et les sept nains sort en 1938 en France. Un dénommé Pierre Brisson (1896-1964), directeur, à l’époque, des pages littéraires du Figaro, dans sa critique du film parue dans l’édition du 8 mai 1938, y voit «le premier jalon d’un immense programme». C’est-à-dire qu’il voit avec ce film toutes les potentialités du dessin animé. Cela ne l’empêche pas d’être extrêmement critique sur certaines parties du film. Je cite :

Toute la partie «grandes personnes» est ainsi traitée dans un style qu’on déplore. La marâtre aux joues vertes qui veut occire Blanche Neige semble échappée d’un prospectus de roman-feuilleton. Le château qu’elle habite est d’une carte postale en couleurs. Le Prince Charmant souffre d’un manque terrible d’irréalité.

Et il ajoute, dans un état de clairvoyance assez inouï :

Dès l’instant où le dessin animé cherche à supplanter la photographie, il s’égare et perd son sens. Je [ … ]  souhaite [ … ] qu’une tradition s’institue et que d’autres rêveurs se laissent tenter, pour que, dans l’avenir, le vrai miracle puisse se produire… J’ignore si vous sentez comme moi la valeur poétique et les promesses de cet art miraculeux. Elles me paraissent énormes.

Alors ce que je voudrais dire à ce Monsieur Brisson qui n’a pas assez vécu pour découvrir les oeuvres du studio GDS, c’est que son souhait a été exaucé, le miracle a eu lieu, des poètes de l’image animée, notamment ici en Suisse, qui ont pour nom Claude Luyet, Daniel Suter et Georges Schwizgebel ont su, pour le bonheur de nous tous, inventer des oeuvres adultes qui resteront dans l’histoire du cinéma. Pas l’histoire officielle évidemment, cette histoire officielle qui est faite d’arrangements avec le vil commerce mais bien l’histoire de l’art faite de traces, de frôlements et de chemins croisés qui marquent nos mémoires comme des caresses qu’on n’oublie pas facilement. 

Avant de vous remercier pour votre écoute, avant de remercier, évidemment, nos trois amis, Claude, Daniel et Georges, pour tout ce qu’ils nous ont offert, je voulais vous dire une dernière chose, très importante.

Si, un jour, vous rencontrez un homme sans ombre, dans un carré de lumière, qui fait des grimaces, sachez que vous êtes en plein GDS, en plein Grand Delirium Circus.

Chers amis, merci.

 

- Antoine Lopez

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